Historique

La « Société des Juristes Francophones du Commonwealth » (SJFC) a vu le jour en mai 1996 à Londres sous l’impulsion de son fondateur, le Docteur Riyad Dookhy, un Barrister de Gray’s Inn.

Elle voyait le jour alors même que le droit anglais regardait au-delà de la Manche, du côté du droit français, et posait son regard avide et sérieux sur le droit procédural de ce dernier. La discussion que dirigera Lord Harry Kenneth Woolf (Baron Woolf) sur la réforme de la procédure civile anglaise afin de remplacer les traditionnels « White Book » et « Green Book », qui était néanmoins d’une intelligence juridique procédurale séculaire (les « codes » de procédure civiles), visait l’élaboration d’une nouvelle approche en « Civil procedure » et la simplification conforme à notre temps. Elle ne pouvait alors que détourner le regard des juristes d’une tradition vers une autre. Si hier encore, la common law était farouche par sa condamnation du droit administratif français, par la voix d’un de ces théoriciens les plus proéminents, Albert Venn Dicey (1835-1922), le temps était venu pour une inspiration réciproque. De surcroît, c’était l’ère de la rencontre avec le droit européen en pleine expansion en droit anglais, c’est-à-dire l’ère de la rencontre avec la jurisprudence des cours européennes. Même si ces dernières s’inspiraient, quant à elles, de la pratique jurisprudentielle common law, elles faisaient état d’autres horizons du droit.

Or nombre de systèmes juridiques du Commonwealth connaissent un droit civiliste ou francophones. Citons les trois grands exemples, le Canada, le Cameroun et l’île Maurice. Le Conseil Privé de Sa Majesté la Reine/le Roi du Royaume-Uni est souvent la Cour de dernière instance pour nombre d’États du Commonwealth – même si pendant l’histoire la configuration a été sensiblement modifiée –, et dispose en cela d’une jurisprudence qui n’a rien de dépassé sur le droit civil ou francophone. Citons, à titre d’exemple, le Code civil dit « de Napoléon » de 1804, qui est toujours l’objet des recours devant les tribunaux de common law, et a fortiori, devant le Conseil Privé. Si la jurisprudence du Conseil Privé est le droit pour certains pays en matière du Code civil « français », elle exerce nécessairement une influence notable sur la common law en général, car étant d’une jurisprudence soit « contraignante », soit « persuasive ». Aussi, notons l’existence de nombre de systèmes juridiques civilistes dans certaines parties des États-Unis qui attestent d’une présence francophone, même si elle ne se dit comme telle.

Le juge et les ordres du droit (Inns of Court) anglais tissent des relations avec l’Ordre de la Jarretière et connaissent une tradition francophone (« Honni soit qui mal y pense »). Le français juridique atteste d’une mémoire même de la common law, c’est-à-dire le « mouvement » même de ses caractéristiques en tant qu’un ordre de mémoire et un ordre de l’oralité dit d’un temps « immémorial » (cf. Les Commentaires de William Blackstone).

À cet effet, Sir Edward Coke (1552-1634), Barrister et juge, demeure, pour la plupart, la figure emblématique de cette « commune ley ». Il est l’auteur de l’un des premiers ouvrages systématiques sur ce droit, et écrivait originellement en français, notamment en ses « Les Reports de Edward Coke » [sic]. De plus, la présence toujours d’actualité d’un droit et d’une pensée juridique anglo-normands (Law-French) avec une lexicographie francophone prépondérante dans la common law, ouvre, à tout moment, le droit anglais, et certains droits anglophones, sur un droit francophone.

Il ne pouvait y avoir besoin de plus grande justification alors pour une nouvelle « conscience » francophone du droit common law. C’était ainsi celle qui fut à l’origine de la naissance de la Société des Juristes Francophones du Commonwealth. Celle-ci, consciente des défis auxquels elle est confrontée, visent néanmoins à une meilleure compréhension de ce qu’on a voulu, pendant des millénaires, appeler le « droit » ou la « justice », et vise à soutenir un apport francophone, des systèmes juridiques non seulement émanant de la France, mais aussi de bien d’autres États, qui aujourd’hui encore, dans leurs tribunaux ou ailleurs, contribuent à l’évolution du droit.

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